Les carreaux de ciment ont été inventés en Ardèche !
Parmi les nombreuses brochures conservées, on trouve quelques raretés dont plusieurs catalogues publicitaires. Ces plaquettes commerciales éphémères ne bénéficient pas du dépôt légal et sont appelées à disparaître. Sans l’esprit conservateur du père Auguste Roche, archiviste du diocèse de Viviers au début du XXe siècle, nous aurions échappé à ces catalogues richement illustrés, témoins d’un passé industriel aujourd’hui disparu. En 2006, suite à un don des archives diocésaines, deux catalogues publicitaires sont arrivés aux Archives départementales et sont venus enrichir ses collections.
Les carreaux de ciment sont, aujourd’hui de nouveau très tendance et très recherchés. Au XIXe siècle, de nombreux édifices, religieux et civils parent leurs sols de ces carreaux décoratifs.
Saviez-vous qu’ils sont nés en Ardèche au milieu du XIXe siècle ? Et dans plusieurs communes de la vallée du Rhône : Viviers, Bourg-Saint-Andéol mais aussi Saint-Jean-le-Centenier et Villeneuve-de-Berg ?
Le carreau de ciment (ou carrelage en ciment comprimé) est né vraisemblablement à Viviers en 1853 au sein de l’entreprise Larmande, à Saint-Alban, dont il reste la ruine de l’usine. Il est issu de la création de nouveaux procédés entourant la production du ciment (le nouveau ciment dit « Vicat » est apparu vers 1820) et Viviers était déjà le site d’une importante carrière et usine de ciment Lafarge.
La société F. Lauzun et Cie, de Bourg-Saint-Andéol, créée en 1866 et rachetée en 1920, produisait des carreaux de ciment fabriqués à partir du ciment Portland-Lafarge. La brochure explique la fabrication, les conditions de vente et de livraison, mais aussi la pose, la coupe et l’entretien des carreaux, les planches illustrées sont en quadrichromie, avec les dimensions et le prix. Elle témoigne d’une économie florissante des XIXe et XXe siècles, dont il ne reste plus grandes traces à Bourg-Saint-Andéol.
Viviers avait également une usine de carreaux polychromes à dessins incrustés, la fabrique Damon, dont nous conservons un catalogue (non daté [1890]).
Son développement a été très rapide car il permettait enfin à tout un chacun de bénéficier de sols décorés à bas prix (surtout ceux unis ou noirs et blancs qui étaient les moins chers), à la différence des sols en faïence plus onéreux. Le matériau est en effet peu cher. La fabrication demande seulement une main d’œuvre importante, c’est ce qui d’ailleurs le rend cher à fabriquer de nos jours. Le carreau ne craint pas l’usure et c’est la raison pour laquelle il orne généralement les magasins, hall d’immeubles, églises, seuils, foyers de cheminée ou passages couverts comme à Paris (passage Jouffroy et du Panorama).
Leur seul point faible est leur épaisseur : 2 cm ce qui les rend trop lourds pour certains planchers et le fait que certaines couleurs (vert, bleu, violet, noir) ont tendance à passer si les carreaux sont en extérieur.
Si les fabriques se multiplient surtout à partir de 1870 c’est aussi que la fabrication ne demande pas de grosses infrastructures (pas de four) ; il suffit juste de bénéficier d’un local vaste pour le séchage et de diviseurs de bonne qualité. En France, essentiellement deux entreprises produisaient presses, plaques et diffuseurs : Lachave à Viviers, Guilhon et Barthélémy en Avignon.
Les décors suivent les modes : néo-gothique, orientalisant, art nouveau… il existe aussi des variantes. Ainsi, les couleurs des carreaux à effet porphyré sont obtenues par une disposition des pigments à l’aide d’une truelle en lignes alternées, donnant un effet piqueté. Il existe aussi des carreaux granito : on a alors mélangé au mortier qui constituera la surface, des fragments de marbre ou de pierre.
Pour aller plus loin :
Une histoire du carreau-mosaïque, Yves Esquieu, Aix-en-Provence, REF.2C éditions, 2013. BIB-8 3953.
Carreau-mosaïque : itinéraires à travers un patrimoine méconnu, Yves Esquieu, Viviers, Patrimoine vivarois, 1995. BIB-8 BR 757.